Martin Landais, sous-directeur des assurances à la Direction générale du Trésor

« Des solutions existent pour les collectivités autour de leur maîtrise des risques et d'une utilisation adaptée du Code des marchés publics »

Publié le 2 mai 2024 à 9h00

Mehdi ElAouni    Temps de lecture 7 minutes

Martin Landais dresse le bilan des travaux de la sous-direction des assurances ces derniers mois et présente les principaux chantiers « assurances » du ministère. Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le numéro de mai de La Tribune de l’assurance.

Quels sont les principaux chantiers de la sous-direction des assurances actuellement ?

L’an dernier, nous avons assisté à des avancées significatives au niveau européen, notamment avec la poursuite des négociations sur la révision de la directive Solvabilité II et la directive sur le rétablissement et la résolution en assurance, IRRD. Ces discussions, entamées sous la présidence française de l’Union européenne en 2022, ont abouti à des compromis importants et des trilogues récents ont permis de conclure sur ces deux textes. La révision de Solvabilité II permet notamment un relâchement des exigences en capital pour les assureurs, propice à l’investissement de long terme qui est une priorité pour Bruno Le Maire. Nous attendons désormais leur publication prévue après l’été, ce qui marquera le début d’un travail important de la sous-direction des assurances pour leur transposition. Nous avons également eu, au cours des mois passés, des discussions sur la stratégie d’investissement de détail (RIS), ainsi que sur le Financial Data Act (FIDA), qui est un texte transversal que nous suivons avec attention car il peut avoir des impacts massifs sur le secteur de l’assurance.

Quels sont vos points d’attention en lien avec le rapport sur l’assurabilité des risques climatiques ?

Le rapport remis aux ministres offre une analyse approfondie du régime, examine son fonctionnement actuel, ses besoins de financement, et présente des options et propositions pour garantir sa pérennité et renforcer la mutualisation et la solidarité. Il souligne également le rôle crucial des assureurs dans l’atténuation des changements climatiques, tant en tant qu’investisseurs à long terme qu’en ce qui concerne leur passif, c’est-à-dire leurs engagements d’assurance. Pour le régime Cat Nat en tant que tel, le rapport met en avant la nécessité d’assurer sa viabilité financière face à une hausse significative des sinistres climatiques. La décision d’augmenter la surprime à compter du 1er janvier 2025 est une première mesure pour répondre à ce besoin de financement supérieur à 1 Md€ par an. Cette surprime qui n’avait pas été revue depuis plus de deux décennies, fournira des ressources supplémentaires pour répondre en grande partie à ce besoin de financement. Toutefois, des questions subsistent quant à savoir si cela sera suffisant à long terme. Le rapport suggère une indexation future de la surprime pour suivre l’évolution du coût des sinistres, ainsi qu’une révision des franchises Cat Nat, inchangées depuis plus de vingt ans. Ces nombreuses propositions sont actuellement soumises à une large consultation. En plus du financement, le maintien de la mutualisation face aux climatiques est crucial pour assurer une couverture assurantielle solidaire sur l’ensemble du territoire, conformément au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Le rapport formule 37 propositions, outre le financement du régime Cat Nat, lesquelles sont prioritaires ?

Le rapport met en lumière trois impératifs : assurer la soutenabilité financière du régime, maintenir une mutualisation large des risques climatiques, avec une offre d'assurance abordable et disponible sur tout le territoire et, enfin, augmenter considérablement les efforts de prévention. Il avance ainsi plusieurs options pour maintenir voire améliorer la mutualisation et l’accessibilité du régime, notamment en proposant d’utiliser la cotisation actuelle des assureurs, assise sur la surprime Cat Nat, comme levier pour promouvoir la mutualisation, en incitant les assureurs à rester dans les zones les plus exposées et en augmentant la contribution, actuellement de 12 % de la surprime Cat Nat, des assureurs opérant dans les zones moins exposées.

Un autre élément cardinal est la prévention des risques naturels. Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), limité aux périls mettant directement en danger la vie humaine, ne couvre pas toutes les menaces telles que le retrait gonflement des argiles (RGA), alors qu’il peut avoir des conséquences dramatiques à long terme. Le rapport explore des pistes pour renforcer la prévention de ces risques, tant au niveau collectif qu’individuel, en incitant à l’innovation et l’émergence de solutions efficaces. Il est important de souligner à cet égard l’initiative lancée par France assureurs, la Mission risques naturels et la CCR pour identifier, sur une période de cinq ans, des solutions innovantes visant à prévenir le risque RGA. Toutes les discussions et concertations à venir sur le rapport viendront nourrir le travail en cours du plan national d’adaptation au changement climatique dans sa troisième mouture, où les mesures relatives à l’assurance occupent une place importante.

Quels sont les objectifs des récents textes réglementaires relatifs à la sécheresse ?

Un premier décret est venu clarifier les critères d’indemnisation et de reconnaissance des catastrophes naturelles pour les sinistres liés à la sécheresse, notamment lorsque la valeur de reconstruction à neuf dépasse la valeur du bien au moment du sinistre. Un autre décret est en cours de discussion pour encadrer le travail des experts en matière de sécheresse, en réponse à une demande des assurés visant à garantir la qualité et l’homogénéité de l’expertise. En parallèle, les critères de reconnaissance des catastrophes naturelles ont été révisés pour prendre en compte les sécheresses successives d’ampleur anormale, conformément à l’ordonnance de février 2023, et les communes limitrophes de communes reconnues. La circulaire à venir regroupera ces nouvelles directives pour améliorer la lisibilité du dispositif.

Quel bilan faites-vous des captives à la française ? Y a-t-il encore des aménagements à mettre en œuvre ?

La mise en place de la provision pour résilience a stimulé la création de captives dès 2021, renforçant ainsi ce mouvement qui a vu le nombre de captives passer de moins de dix à seize aujourd’hui. Plusieurs autres captives sont en cours de constitution, témoignant de l’impact positif de cette mesure sur la réflexion des entreprises quant à la gestion de leurs risques. La création de captives en France va drainer tout un écosystème d’accompagnement de ces structures, et c’est une évolution bienvenue pour la Place de Paris. Ce développement de captives sur le territoire national doit évidemment se faire dans le respect de Solvabilité II, qui prévoit du reste des mesures de proportionnalité qui s’appliquent aux captives… Nous ne sommes pas dans une logique de concurrence intra-européenne, mais bien dans une logique visant à donner aux entreprises les moyens de mieux gérer leurs risques dans un contexte de capacité assurantielle en tension.

Quelles sont vos pistes pour une meilleure assurabilité des collectivités locales ?

Le gouvernement, en particulier le ministère de l’Économie en collaboration avec celui des Collectivités territoriales, est fortement engagé sur ce thème. Le sénateur Husson a présenté un premier rapport avec plusieurs propositions, tandis que la mission confiée à Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès devrait rendre ses conclusions dans les semaines à venir. Ses observations rejoindront sans doute celles du sénateur Husson, notamment sur le déséquilibre économique du marché, dans la mesure où les dépenses d’assurance des collectivités territoriales n’ont pas suivi la dynamique des sinistres, créant une situation difficilement soutenable à terme. Le rééquilibrage du marché est une réponse cruciale à cette réalité. On peut par ailleurs penser que des solutions existent autour d’une meilleure connaissance et une meilleure maîtrise des risques par les collectivités territoriales et grâce à une utilisation du Code des marchés publics mieux adaptée aux réalités de l’assurance.

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